D’acier – Silvia Avallone

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D’acier de Silvia Avallone. Premier roman d’une énergie incroyable où tout sonne juste et fort, où tout résonne à l’intérieur comme un cri d’espoir qui ne pourrait sortir, qui serait vain mais qui est là, malgré tout…. Un roman ardent, de par le paysage : tout tourne autour des hauts fourneaux de Piombino, où l’acier brûle la nuit comme le jour, de par la chaleur écrasante de l’été, de par le bouillonnement des corps qui se touchent…

« L’épais magma noir et rouge du métal en fusion bouillonnait dans les poches de coulée, des fûts ventrus transportés depuis les wagons-torpilles. (p.27)

« La lumière, dehors, était de feu. » (p.19)

« À ce contact, il sentit un incendie, lentement, se propager dans ses artères. Il l’attira avec la douceur de celui qui ne sait pas attendre. » (p.75)

D’acier, c’est une histoire d’amitié « à la vie, à la mort », presque une histoire d’amour tant les corps de ces deux adolescentes –Anna la brune et Francesca la blonde- se frôlent, s’effleurent, se touchent. On est en deux mille un, elles n’ont pas quatorze ans quand on les découvre et on va les suivre, les voir évoluer pendant une année dans leur quartier populaire. Elles ont déjà la maturité naïve de leur âge : elles savent les désillusions des adultes qu’elles se prennent chaque jour en pleine figure (de même que leur violence, d’ailleurs) mais elles se prennent aussi à rêver d’un ailleurs où elles seraient libres ; elles n’oublient pas de vivre, heure après heure, jour après jour… La plage et la mer (plus que polluées !), les garçons et les premiers émois, les premières émotions de l’adolescence. C’est d’une âpre beauté cette relation fusionnelle, c’est fort.

D’acier est aussi –naturellement- un roman initiatique : L’été deux mille un est sans doute celui qui les verra, ces deux pierres précieuses à l’état brut, passer de l’adolescence à l’âge adulte presque malgré elles parce que la vie et les événements vont leur rappeler qu’elles sont là pour en baver. Comment faire pour sortir de ce marasme ? Pour croire qu’autre chose est possible ? Comment faire pour grandir en continuant à y croire sans perdre pied ?

D’acier. Magnifique roman social symbolisé par la Via Stalingrado, le quartier des prolos et des laissés pour compte de l’époque berlusconienne où les malfrats et les camés croisent tous les jours les gamins qui pissent dans les cages d’escalier et où on entend les bonnes femmes se faire taper dessus. Tout y est gris dans ce décor tristement réel, malgré la mer en face. Les descriptions de ce quartier sont abruptes, sans concession, d’une extrême brutalité mais elles sont aussi une déclaration.

« Un terre-plein sans un pouce de verdure. […] Anna y était née, mais elle voyait bien que les papiers gras, les mégots et quelquefois les seringues par terre, ça n’était pas bon signe. Que tout le monde pissait sur les piliers : les chiens, les enfants, les toxicos. Qu’il y avait une puanteur à se boucher le nez. Qu’un homme qui s’injecte une dose d’héroïne dans les bras ou le cou, devant les enfants, ça n’est pas joli comme spectacle. Mais cracher sur tout ça, c’était comme se cracher dessus. » (pp.49-50)

D’acier m’a troublée, a envahi mon esprit tout le temps de la lecture. J’y étais, les images ont défilé devant moi, je n’arrivais plus à quitter ces deux adolescentes. Oui, ce sont elles qui m’ont troublée, leur folle énergie, leur envie d’ailleurs sans que rien ne bouge ou alors, tout. Elles sont dans la vie, et elles nous le disent : « Soyez-là, avancez, n’ayez peur de rien, brûlez de vivre. »

Je vous l’ai dit : roman ardent, roman brûlant… Roman à lire.

(D’acier. Silvia Avallone. Editions Liana Levi :2011 pour la traduction française)

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